"Le joker sort de l'Asile d'Arkham, mais il n'est pas content. En son absence, ses amis Lascars ont partagé sa part du gâteau et l'ont vendue, pensant qu'il ne reviendrait plus. Mais le joker est de retour et il est bien décidé à mettre Gotham à feu et à sang."Si vous cherchez une chouette BD à offrir à votre petit frère ou à votre petit neveu, surtout ne songez même pas à ce comic-book. Après avoir consacré un excellent (voir génialisime) roman graphique à l'ennemi juré de Superman, Lex Luthor, le duo
Azzarello/Bermejo rempile pour nous offrir cette fois leur vision du plus célèbre adversaire de Batman : le Joker.
Si
Jack Nicholson a marqué l'imaginaire collectif avec son interprétation bouffonnesque, le Joker à la base n'en reste pas moins un personnage effrayant, un dangereux psychopathe que l'on espère ne jamais croiser au coin d'une ruelle (sombre ou pas d'ailleurs). C'est un tueur, un malade mental qui se délecte de ses crimes souvent plus horribles les uns que les autres.
Bien que le dernier film a enfin su rendre hommage à toute la dimension sadique et terrifiante du Joker tel qu'on peut le côtoyer dans les comic-books depuis des dizaines et des dizaines d'années, cette œuvre va encore au-delà. Si le Joker d'
Heath Ledger dans
The Dark Knight arrive encore à nous fait rire malgré son degré de violence, celui-là ne fait rire que lui-même.
Il existe beaucoup d'histoire de Batman très glauques et lugubres, l'univers du Chevalier Noir s'y prête spécialement bien, mais celle là se classe sans aucun doute parmi les plus sombres, et le Joker atteint un degré de folie et de perversité jamais vu auparavant. Les atrocités qu'il commet ici auront de quoi vous retourner l'estomac.
Comme l'indique le titre, la vedette de l'histoire, c'est lui. Batman n'y a qu'un rôle extrêmement mineur, par contre on peut croiser au fil des pages d'autres ennemis de l'homme chauve-souris, tels que Killer Croc, le Pingouin, l'Homme-Mystère, Double-Face ou encore la petite copine du Joker : Harley Quinn.
Tous ou presque sont réinventés de manière très intéressante et spécialement réaliste, que ça soit uniquement au niveau du look ou plus largement, à l'image de l'Homme-Mystère présenté comme une sorte de geek surdoué à la limite entre le génie et la folie. De même j'ai trouvé très intéressant le fait que le Joker ingurgite régulièrement des pilules, apparemment des médicaments, on imagine pour se maintenir volontairement dans un état second. En plus de le reléguer au simple rang de drogué pathétique, cela rend subitement sa folie toute relative.
La star est donc bien évidemment le Joker mais le narrateur de l'histoire est une petite frappe qui essaye par tous les moyens de se faire une place parmi les grands du crime, et qui pour arriver à ses fins va décider de commencer à travailler pour le Joker. Une erreur qu'il réalisera un peu tard, malheureusement pour lui.
Le principal intérêt de ce roman graphique réside véritablement dans sa capacité à réussir à nous faire réellement détester ce personnage que l'on aime tant, à instaurer un réel malaise ne serait-ce l'espace d'un instant. Le temps d'un seul frisson de dégout on en arrive à penser qu'on aimerait le voir mort, là, tout de suite. Sa folie est palpable, il incarne ici le mal à l'état pur, une force presque surnaturelle. Et quand Batman entre en scène, c'est le soulagement, comme rarement du moins j'ai pu le ressentir à la lecture d'une histoire de mon héros favori. D'autant plus qu'il est le seul et unique rayon d'espoir et de justice dans cet album qui ne s'attarde que sur les pires ordures que Gotham abrite.
Les dessins de
Lee Bermejo sont assez impressionnants, son style très réaliste et spécialement axé sur les lumières est très immersif, et si son Joker paraît au premier coup d'œil directement inspiré par celui d'
Heath Ledger il n'en est en réalité rien, puisque son travail sur ce comic-book a débuté avant même le début du tournage du film de
Christopher Nolan. Dans tous les cas c'est un grand artiste avec un style immédiatement reconnaissable et ses planches imposent le respect.
Cet album est donc une réussite à tous les niveaux que je ne peux que conseiller aux lecteurs avertis. Après avoir fait un superbe travail sur
Lex Luthor (que je considère toujours comme une des meilleures histoires sur l'univers de Superman), le duo
Azzarello/Bermejo livre ici un travail tout aussi excellent qui risque de marquer l'univers du comic-book d'une pierre noire, et qui vient immédiatement se loger au côté de
The Killing Joke d'
Alan Moore dans la catégorie des meilleures histoires consacrées à celui qui reste le vilain le plus fascinant de toute la pop-culture.
Septon