Avengers Endgame, donc.
C'est peu dire que le film était attendu - avec un mélange d'espoir et de crainte. Comment donner une suite à Infinity War et une conclusion à la méga-phase I du MCU ? Comment ne pas se répéter, ne pas risquer la lassitude avec un déluge d'action qui ne ferait que calquer l'opus précédent ?
Ces questions, les Russo Bros se les sont à l'évidence posées et ils ont trouvé des réponses pertinentes - même si une ou deux peuvent laisser dubitatif.
Prendre le public à contre-pied, c'est peu dire à propos d'Endgame. Le début est si inattendu qu'on n'y croit pas vraiment : on imagine une illusion, un rêve ou n'importe lequel de ces procédés à la con. Et pourtant, quand arrive l'ellipse aussi osée que réjouissante, on comprend que le film nous surprendra encore un moment. Débutant sur un ton amer, gris, dépressif, il colle au plus près aux sentiments des protagonistes - les acteurs habitant totalement leurs personnages. Le mini-climax qui arrive au bout d'un quart d'heure ne parvient même pas à réjouir - tout juste à faire pousser des exclamations d'étonnement.
Après cette longue introduction, l'espoir revient un peu et avec lui, l'entrain et l'allant des héros. C'est là qu'arrive l'humour tant redouté et qui pourtant découle naturellement : les Avengers reprennent le dessus sur eux-mêmes et décident de tout risquer - on retrouve donc les fondamentaux de la franchise, le mélange personnages / action / humour. Et on entre alors dans une aventure temporelle rythmée qui offre aux protagonistes la possibilité de régler d'anciens deuils, de se confronter à eux-mêmes (littéralement dans le cas de Cap' et Nebula, d'ailleurs), d'aller de l'avant en mettant leurs erreurs de côté. A ce propos, le traitement de Thor peut décevoir (même si entendre les cris de dépit de toutes les jeunes filles de la salle avait quelque chose de réjouissant ; sans compter que c'est la première fois que le grassouillet que je suis peut prétendre avoir le même corps que Chris Hemsworth) mais dès que l'on comprend - au détour d'un dialogue avec Rocket - qu'il fait une dépression, cela prend sens et offre même un angle d'identification inédit. De plus, on évite ainsi le syndrome Superman vs Steppenwolf que l'on pouvait craindre après Infinity War.
Enfin arrive le final - une monstrueuse bataille qui enchaîne les morceaux de bravoure à en décrocher la mâchoire. Les esprits chagrins se plaindront que c'est encore du tout CGI - sauf que non, l'action colle toujours au plus près des héros. Bon sang, la confrontation de la Sainte Trinité Marvel face au Titan fou, c'est de la démence de geekgasm. Thor avec Mjolnir et Stormbreaker ! Cap' qui manie Mjolnir ! Iron Man qui balance toute sa puissance avec les éclairs de Thor ! L'incroyable résilience du simple mortel Steve Rogers qui se relève face à toute une armée d'invasion ! Et ça ne faiblit à aucun instant - le retour des disparus, les all female Avengers, la course de relais avec le Gant et cette saperlipopette de conclusion avec LA réplique.
La toute fin ne pourra manquer d'arracher des larmes à plusieurs reprises. C'est puissant et émouvant, comme la récompense attendue des fans de la franchise au bout de onze ans. La dernière séquence est à la fois si triste et si gonflée, on sourit et on pleure tout à la fois. Un parfait adieu à certains des héros auxquels on a pu s'attacher durant un long moment - dans une œuvre de production inédite à travers l'histoire du cinéma (et que nombreux pensaient destinée à l'échec durant les premiers temps).
Infinity War était le film de Thanos, l'histoire au cours de laquelle il menait la danse. Endgame remet les Avengers sur le devant de la scène - et principalement son casting initial, les six premiers. Le Titan fou redevient cet antagoniste sans merci qu'il faut stopper - ce qui pourra décevoir les aficionados de sa prestation précédente. Mais c'est dans la logique d'un film qui sonne comme une déclaration d'amour envers des héros aimés depuis l'enfance, et qui sont le moteur premier du MCU.
Les Russo Bros prennent ainsi ces personnages et les amènent au bout de leur logique interne. La storyline de chacun trouve ici sa conclusion à la fois logique et parfois amère, parfois tragique, parfois heureuse, parfois prémisse d'une continuité - et on reste estomaqué devant la façon dont des répliques ou événements mineurs sont ici vus sous un jour nouveau, éclairant. On comprend que les nouveaux héros vont désormais s'occuper de l'avenir et plusieurs d'entre eux héritent d'ailleurs d'une charge de leurs prédécesseurs.
La deuxième partie du film permet ainsi de revisiter des moments-clés déjà vus auparavant - et inédit pour un segment particulier, celui qui concerne en même temps les deux véritables stars de ce magnum opus : Cap' et Stark. Au point que même la si annoncée Captain Marvel ne leur vole en rien la vedette, se cantonnant à un rôle de deus ex machina mineur. Les prestations de Evans et Downey Jr culminent à des sommets - si un jour des acteurs doivent reprendre leurs rôles, je les plains beaucoup : la barre a été placée très haute.
Bien sûr, tout n'est pas parfait. Alors qu'Infinity War possédait une belle linéarité et semblait maîtrisé dans ses moindres aspects, Endgame paraît plus flottant - comme si cette fois, les Russo Bros avaient peiné à gérer leur ambition.
Des sautes de rythme, un montage parfois hasardeux, mais surtout des choix si radicaux qu'ils ne pourront plaire à tous - même aux plus fanboys des spectateurs (on pense au Professeur Hulk ou à Fat Thor, par exemple). Le chassé-croisé temporel de la deuxième partie peut déconcerter et le manque de grosse action avant le climax décevoir.
Il faut certainement un moment et au moins deux visions pour digérer le film mais je suis bien certain que cela en vaut la peine.
Voilà donc qu'une saga entière prend fin ici - sans pour autant oublier de passer le relais à une nouvelle génération. La conclusion de dix ans et vingt-deux films ne peut contenter à tous les niveaux, c'est une évidence.
Pourtant, les Russo Bros frappent fort et parviennent à livrer un film d'une rare audace - aussi épique qu'émouvant, aussi spectaculaire que drôle. Encombré de quelques scories qui ne gâchent en rien le plaisir, Endgame rebat les cartes du MCU tout en offrant une véritable récompense à ses spectateurs les plus assidus. Difficile de ne pas en être reconnaissant.